Le blog de l’étude

Cette rubrique est destinée à informer notre clientèle ou nos contacts, d'évolutions législatives ou jurisprudentielles significatives et de questions concrètes d'ordre professionnel, patrimonial ou personnel, qui peuvent être résolues grâce à l'intervention d'un notaire, afin de contribuer à une meilleure utilisation du droit et de la fiscalité, qui doivent être perçus comme des outils au service d'un objectif et non comme une source de contraintes ou d'économies à travers la fiscalité.

Rechercher

Divorce international : la juridiction compétente ne s'improvise pas

Publie le Mardi 23/10/2018

La première chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt du 15 novembre 2017, n°15-16265, Bull., a relevé le caractère exclusif des règles de conflit de juridictions du règlement européen n°2201/2003 dit "Bruxelles II bis" en matière de divorce international, applicable aux actions  introduites à compter du 1er mars 2005 dans tous les Etats membres de l'Union européenne à l'exception du Danemark.

Rappelons qu'en vertu de l'article 6 du règlement Bruxelles II bis, les règles de compétence édictées aux articles 3 à 5 de ce règlement ont un caractère exclusif lorsque le défendeur a :

- sa résidence habituelle  sur le territoire d'un Etat membre, ou

- la nationalité d'un Etat membre.

 

Cet arrêt constitue donc une illustration de la primauté des règles européennes de compétence sur les règles de compétence de droit commun propres à chaque Etat, dont l'article 7 du règlement Bruxelles II bis n'en réserve qu'une application résiduelle et lorsque les règles du règlement n'ont pas de caractère exclusif.

 

En pratique, les règles de compétence de droit commun des Etats membres ne pourront être appliquées à titre résiduel qu'en présence d'un défendeur non résident sur le territoire d'un Etat membre et qui n'a pas la nationalité d'un Etat membre. De plus, il faut qu'aucune juridiction d'un Etat membre ne soit compétente en vertu des articles 3 à 5 du règlement Bruxelles II bis, ce qui signifie que le demandeur ne doit pas résider sur le territoire d'un Etat membre, sinon  y résider depuis moins d'un an avant l'introduction de sa demande.

 

En l'espèce, une ressortissante française et un ressortissant belge, après avoir contracté mariage en France puis avoir résidé un temps en Belgique, se sont installés en Inde avec leurs trois enfants nés en Belgique. Après moins d'un an de vie commune dans ce nouveau pays, l'épouse, résidant toujours en Inde, a introduit une requête en divorce devant le juge aux affaires familiales français.

 

Après avoir constaté qu'aucun des critères généraux de compétence prévus aux articles 3 à 5 du règlement Bruxelles II bis ne permettait de consacrer la compétence de la juridiction française saisie, la Cour d'appel a examiné sa compétence sur le fondement des règles françaises de conflit de juridictions en matière internationale. Bien que n'étant pas non plus compétente sur le fondement des dispositions de l'article 1070 du Code de procédure civile étendues à l'ordre international, la Cour d'appel s'est déclarée compétente, en appliquant à titre subsidiaire, le privilège de juridiction édicté à l'article 14 du Code civil, fondé sur la nationalité française du demandeur.

 

A priori, la Cour d'appel semble reprendre le raisonnement suivi par la Cour de cassation dans une précédente affaire. En effet, la Haute juridiction avait précédemment jugé que lorsqu'aucune juridiction d'un État membre n'est compétente en vertu des articles 3 à 5 du règlement Bruxelles II bis, la compétence des juridictions françaises est régie par les règles ordinaires de compétence internationale, à savoir en matière de divorce, par les dispositions de l'article 1070 du Code de procédure civile étendues à l'ordre international, et à titre subsidiaire par application des privilèges de juridiction des 14 et 15 du Code civil (Cass. Civ. 1, 30 septembre 2009, n°08-19793, Bull.).

 

Mais dans le cas d'espèce qui nous intéresse, les règles de conflit de juridictions du règlement Bruxelles II bis étaient dotées d'un caractère exclusif puisque le défendeur était ressortissant d'un Etat membre, à savoir la Belgique, ce qui n'était pas le cas dans l'arrêt du 30 novembre 2009 précité où les règles du règlement Bruxelles II bis n'étaient pas d'application exclusive. C'est pourquoi , la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel au visa de l’article 6 du règlement, en rappelant que les règles de compétence européennes étaient les seules applicables, à l'exclusion des règles de conflit de juridictions françaises, dont il ne pouvait alors être fait application, même à titre résiduel.

 

La Cour de cassation reconnait ainsi toute sa portée à l'article 6 du règlement Bruxelles II bis, dont les dispositions tendent à limiter la création de nouveaux chefs de compétence au sein des Etats membres, par application de leurs propres règles de droit international privé,  qui sont susceptibles de générer un forum shopping non maîtrisé, en dehors des prévisions du législateur européen.

 

 

Voir également nos autres actualités :


Loi applicable au régime matrimonial d'un couple sans résidence habituelle commune après son mariage


Divorce et séparation de corps transfrontaliers

Actualités - Divorce international : la juridiction compétente ne s'improvise pas