Stratégie patrimoniale : renoncer pour transmettre
Si le défunt n’a pas laissé de testament, les héritiers, désignés par la loi, succèdent par ordre (descendants, ascendants privilégiés et collatéraux privilégiés, ascendants ordinaires, collatéraux ordinaires) puis par degré au sein d’un même ordre. A l’intérieur d’un même ordre, l’héritier le plus proche en degré exclut donc les autres. A degré égal, les héritiers succèdent par parts égales.
La représentation successorale est une « fiction juridique » visant à rétablir l’égalité entre les souches dans un même ordre (supposant donc l’existence de plusieurs souches), permettant à des héritiers de degrés différents au sein d’un même ordre, de succéder. Le partage opèrera donc par souche et non par tête. Elle a lieu en ligne directe descendante à l’infini, ou en ligne collatérale, au bénéfice des enfants et descendants de frères ou sœurs du défunt.
La représentation n’aura vocation à jouer que dans le cadre d’une dévolution successorale ab intestat et non en présence de légataires désignés par un testament, à moins que le testateur ait expressément prévu que les descendants du légataire désigné succèderaient en cas de prédécès de ce dernier.
La représentation successorale aura vocation à s’appliquer en cas de prédécès, d’indignité ou, depuis la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, de renonciation de la personne représentée qui devait initialement hériter. Il sera même possible de représenter la personne à la succession de laquelle on aura renoncé.
Dans un contexte d’allongement de la durée de vie, la renonciation à succession peut être utilisée comme un véritable outil de stratégie patrimoniale, permettant un saut de génération dans la transmission, dans un cadre fiscal relativement favorable. Ce mécanisme permettra aux jeunes générations de se constituer un patrimoine en évitant une double taxation, lors de la première transmission aux enfants, puis lors de la deuxième transmission aux petits-enfants.
La renonciation vaudra toutefois pour la totalité de la succession, la renonciation « partielle » n’étant pas possible.

Fiscalité en cas de renonciation
La transmission est fiscalisée au titre des droits de mutation à titre gratuit, s’agissant de l’abattement et du tarif applicables, en fonction du lien de parenté entre le défunt et le représenté (celui qui avait vocation à hériter). L’abattement est divisé le cas échéant selon les règles de la dévolution légale en présence de plusieurs représentants (article 779 I et IV du Code général des impôts), chaque représentant pouvant se voir appliquer le barème dans sa totalité, sans que les tranches d’imposition aient à être partagées.
Quelques subtilités se rencontrent en pratique, en ligne descendante ou collatérale, parmi lesquelles l’application de l’abattement de 100.000 € en présence d’une souche unique (par exception à l’exigence d’une pluralité de souches), en cas de transmission par décès en faveur de petits-enfants suite à la renonciation d’un enfant unique, en lieu et place de l’abattement de 1.594 € (indignité et renonciation, BOI-ENR-DMTG-10-50-20 n° 50 – Prédécès, BOI-ENR-DMTG-10-50-80 n°330 - RM Le Nay n° 86052, JO AN du 23 novembre 2010 p. 12822). Une pluralité de souches est toutefois exigée pour les collatéraux pour l’application de l’abattement et du tarif en fonction des liens de parenté entre le défunt et le représenté.
Renonciation à succession et assurance-vie
Conformément aux dispositions de l’article L. 132-12 du code des assurances, les sommes versées au bénéficiaire déterminé d’un contrat d’assurance-vie ne font pas partie de la succession de l’assuré. Il s’agit d’une stipulation pour autrui, le bénéficiaire détenant un droit propre, direct et personnel contre l’assurance, sans aucun lien avec l’actif successoral.
Si le bénéficiaire est prédécédé à l’assuré sans bénéficiaire en sous-ordre ou s’il n’est pas déterminé, les capitaux feront partie de l’actif successoral. La représentation ne joue pas en matière de capital d’assurance-vie.
Pour que la renonciation au bénéfice d’un contrat d’assurance-vie soit efficace et devienne un moyen de transmission des capitaux à la jeune génération, la clause bénéficiaire devra être rédigée rigoureusement, avec anticipation.
Une double liquidation des droits de mutation à titre gratuit sera même nécessaire en présence d’un héritier venant à la succession par représentation (recevant les biens successoraux par dévolution ab intestat) et également bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie ou d’un legs, de son propre chef (abattement et tarif applicables résultant du lien de parenté entre le défunt et le bénéficiaire). Il est à noter que la renonciation au bénéfice d’un contrat d’assurance-vie n’emporte pas renonciation à la succession, et inversement.
Renonciation translative
La renonciation est dite translative lorsqu’elle est réalisée au profit d’un ou plusieurs héritiers déterminés ou au profit d’un héritier de rang subséquent, le renonçant étant redevable des droits de succession et les bénéficiaires de la renonciation étant taxés au titre des droits de donation sur la part transmise par le renonçant. Il est à noter qu’en l’absence de modification des règles de dévolution légale, l’administration fiscale assimile la renonciation translative à une renonciation pure et simple, sans double taxation.
Renonciation et abus de droit
La renonciation à succession, si elle est réalisée selon l’administration fiscale uniquement afin d’échapper au paiement de l’impôt, encourt une requalification en abus de droit. Il en sera ainsi par exemple en cas de renonciation suivie d’une donation par l’héritier acceptant au renonçant.
Véritable outil de stratégie patrimoniale transgénérationnelle, la renonciation dans le but de transmettre en réalisant un « saut de génération » devra être proposée, expliquée et idéalement anticipée. Les conseils d’un notaire seront indispensables afin de sécuriser l’opération, d’un point de vue civil et fiscal, notamment afin d’éviter toute requalification en abus de droit par l’administration fiscale.