Le blog de l’étude
Cette rubrique est destinée à informer notre clientèle ou nos contacts, d'évolutions législatives ou jurisprudentielles significatives et de questions concrètes d'ordre professionnel, patrimonial ou personnel, qui peuvent être résolues grâce à l'intervention d'un notaire, afin de contribuer à une meilleure utilisation du droit et de la fiscalité, qui doivent être perçus comme des outils au service d'un objectif et non comme une source de contraintes ou d'économies à travers la fiscalité.
Obligation d'immatriculation d'un établissement secondaire
Un magasin éphémère constitue-t-il un établissement permanent caractérisant létablissement secondaire au sens de larticle R.123-40 du Code de commerce et rendant nécessaire sa déclaration au RCS sous peine dêtre poursuivi pour travail dissimulé ?
RAPPEL DES PRINCIPES
L'article R.123-40 du Code de commerce définit l'établissement secondaire comme étant un établissement permanent, distinct du siège ou de létablissement principal et dirigé par la personne tenue à l'immatriculation, un préposé ou une personne ayant le pouvoir de lier des rapports juridiques avec des tiers.
L'article L.123-41 du même Code, quant à lui, oblige le commerçant qui ouvre un établissement secondaire, dans un délai dun mois avant ou après cette ouverture, à immatriculer létablissement et cela doit conduire à une inscription complémentaire de létablissement en vertu de l'article R.123-43 du même Code.
Enfin l'article L.8221-3 du Code du travail définit le délit de travail dissimulé par dissimulation dactivité.
FAITS
Dans un arrêt du 28 mars 2017 (n°16-81.944), la chambre criminelle de la Cour de Cassation s'est prononcée sur la notion d'établissement secondaire dont limmatriculation au registre du commerce et des sociétés est obligatoire au risque d'être poursuivi pour travail dissimulé.
En lespèce, le gérant d'une entreprise de vente à domicile de coutellerie ouvre un magasin éphémère destiné à écouler un stock d'articles exclus du catalogue de vente et dont la durée dexploitation, fixée par avance, ne doit pas excéder six mois (du 24 juillet 2012 au 31 décembre 2012).
Pour ce faire, il emploie des salariés détachés de son entreprise principale. Après avoir fait lobjet dun contrôle de la part des services de linspection du travail et de lURSAFF, la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de lemploi (DIRECCTE) informe le gérant de son obligation dimmatriculer le magasin au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) par application des articles R.123-40 et R.123-41 du Code du commerce. Refusant dans un premier temps dy procéder étant donné le caractère éphémère et donc non permanent de létablissement, le gérant est poursuivi par le juge pénal pour travail dissimulé.
On reproche notamment au commerçant le fait quil aurait intentionnellement omis dimmatriculer son établissement secondaire puisquil avait été informé le 20 septembre 2012 de son obligation de déclaration mais que la régularisation nest intervenue que le 9 octobre 2012, soit presque trois semaines plus tard.
CONSEQUENCES DU DEFAUT DIMMATRICULATION
Un magasin qualifié déphémère du fait de sa courte durée dexploitation constitue un établissement permanent caractérisant létablissement secondaire, distinct de létablissement principal. Ainsi le commerçant se voyait dans lobligation dimmatriculer létablissement secondaire dans les délais fixés par les articles R.123-41 et R.123-43 du Code de commerce.
Par conséquent, en ne respectant pas son obligation de déclaration au RCS, le gérant sest rendu coupable du délit de travail dissimulé par dissimulation dactivité. En effet, ce nest pas la dissimulation de salariés qui était mise en cause au cas despèce mais bien la dissimulation dactivité suite à labsence dimmatriculation.
Avec cette solution, la chambre criminelle de la Cour de Cassation vient confirmer un avis du Comité de coordination du RCS du 27 novembre 2015 selon lequel « le caractère permanent se rapporte à létablissement envisagé dans sa réalité physique, dont la fixité loppose notamment aux simples étals sur marchés de commerçants non sédentaires, et non à la durée dexploitation prévue par la personne immatriculée ».
Ainsi ce nest pas la durée de lexploitation qui délimite le caractère permanent de létablissement mais sa réalité physique. De ce fait, une boutique éphémère constitue un établissement secondaire dès lors que sy nouent de véritables rapports juridiques avec les tiers.
Lemployeur qui a été rendu coupable de travail dissimulé encourt tout dabord des sanctions pénales. En effet, une telle infraction est punie de trois ans demprisonnement et de 45 000 euros damende, ce à quoi peut sajouter une peine complémentaire telle que linterdiction dexercer lactivité professionnelle.
Outre la sanction pénale fixée par le juge, ladministration a, entre autres, la possibilité de refuser le bénéfice des aides publiques à lemploi ou à la formation professionnelle pendant une durée maximale de cinq ans.
On pourrait penser quau risque relevant du droit du travail sajoute un risque fiscal en cas dactivité occulte.
En effet lactivité occulte est caractérisée lorsque le contribuable na pas déposé auprès de ladministration fiscale une déclaration dexistence dans le mois du commencement de son activité.
Pour quil y ait activité occulte, il faut que le contribuable exerce soit une activité qui est par nature illicite telle que le trafic de stupéfiants ou le proxénétisme soit une activité licite mais qui na pas été déclarée au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce.
La caractérisation dune telle activité a des conséquences fiscales importantes. Tout dabord, on observe un allongement de 3 à 10 ans du délai de reprise (article L.169 du Livre des procédures fiscales).
Au droit de reprise allongé, sajoute une majoration de 80% sur limpôt éludé du fait de cette activité (article 1728,1 du Code général des impôts).
Cependant, la doctrine administrative (BOI-CF-PGR-10-70-20161229) a énoncé que lomission par le contribuable de déclarer son établissement secondaire ne constitue par une activité occulte si une telle déclaration fiscale avait été préalablement effectuée à légard de son établissement principal.
Néanmoins, il est nécessaire que les recettes et les charges relatives à létablissement secondaire soient intégrées dans la déclaration fiscale de létablissement principal sous peine de sexposer à une pénalité pour insuffisance de déclaration.
Voir aussi dans nos actualités :
Modifications diverses de droit des affaires de la loi Macron du 6 août 2015